L'Enfant Prodigue

Publié le par Mgr Ellul

Homélie pour le 4ème dimanche de Carême – 17 et 18 mars 2007. basilique du Sacré-cœur.

« Réjouissez-vous avec Jérusalem, nous dit le prophète Isaïe dans son troisième Livre. Soyez dans l’allégresse. » Ce dimanche est le dimanche de la joie. « Soyez dans la joie, car votre délivrance approche ». La couleur des ornements est à l’unisson, le rose voulant souligner dans l’Eglise antique, la joie de notre arrêt spirituel, pour mieux voir où nous en sommes en ce temps de carême.

          Désormais, il est temps de se laisser réconcilier avec Dieu. Nous allons faire la lumière en nous, nous allons aller demander son pardon, et nous le recevrons dans un cœur remplis d’amour.

          Qu’avons-nous promis le mercredi des cendres ? En entrant en Carême, quel fut notre cheminement de foi ?

          Il est temps, je crois de nous reposer la question. Comme dans le Livre de Josué, nous sommes dans l’attitude du Peuple de Dieu entrant dans la Terre Promise.

          Nous sommes là, conscients de tout ce que le Seigneur nous accorde : sa grâce, son pardon, sa miséricorde. Tous ces fruits, nous les récoltons chaque jour, sans bien nous rendre compte de ses bienfaits, et sans le remercier souvent. Oui, nous goûtons, nous voyons la bonté du Seigneur et nous le bénissons. Car chaque fois que nous le cherchons vraiment, il est là, répondant à notre appel. Vous-êtes-vous demandé pourquoi – souvent - notre cœur est en joie ?

          Mais parce que, celui qui regarde vers lui, devient comme lui, celui qui lève les yeux vers lui, prend un peu de son regard d’amour et regarde mieux les autres. Il essaie de les regarder avec tendresse et miséricorde. Et si nous sommes dans le désarroi, le deuil ou la peine, il est là, tout près de nous. C’est un Père, un Dieu d’amour. Et nous qui sommes né en lui, par le baptême, nous sommes des saints, les saints de cette Eglise qui prie et célèbre son Seigneur, dans l’attente de son retour ; des saints en devenir. Nous vivons déjà en préfiguration, cheminant vers le royaume.

          L’Eglise nous fait emprunter ces chemins nouveaux qui nous mènent, dans cette Jérusalem céleste qui nous attend, au jour fixé par le Seigneur. Elle est pour nous, comme le père de l’enfant prodigue. Elle attend, elle patiente, elle écoute, attend encore, pour voir si nous revenons sur le chemin de la conversion… Et quand elle nous voit nous avancer sur la route droite qui mène vers le Père, alors elle nous fait prendre conscience que c’est Dieu lui-même, qui vient à notre rencontre et nous serre dans ses bras. Oui, le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour.        

          Regardez comment il agit pour nous. Il pourrait être contrarié par nos péchés, déçus par nous lâchetés, peiné par nos manques d’amour ! Il attend, il attend toujours, car il sait qu’il y a en nous la capacité d’aimer et de nous convertir. Et c’est ce don qu’il nous fait, cette capacité à nous découvrir pécheurs, mais aimés de lui, qui nous sauve et nous relève, nous réconcilie et nous pardonne, nous rend pur et identifié à Lui. Il nous remet en sainteté, et nous permet cette recherche intérieure, spirituelle, profonde, dans un cœur à cœur avec lui, l’Eternel.

          Que désirons-nous, que voulons-nous que cherchons-nous ? Oh, nous le savons intérieurement, même si quelque fois nous ne savons pas l’expliciter théologiquement !

          Nous voulons voir Dieu. Et de toutes nos forces spirituelles… Nous voulons sortir de cette nuit de l’âme, de nos continuelles négations, de nos péchés, pour le voir, le voir enfin. Alors la parabole de l’enfant revenu à la maison et aimé du Père, prend tout son sens. Combien de fois l’avons-nous médité ? Combien de fois ?

          Mais combien de fois, nous nous sommes nous mis, dans l’attitude du Père, afin de nous valoriser… alors que nous sommes très souvent, dans celle du fils aîné ! Voyez comme nous sommes en colère lorsque que nous nous sentons trahis par celui ou celle que nous aimons et qui nous a abandonné. Ou bien nous sommes remplis de rancœur, car nous ne comprenons pas telle ou telle attitude surtout quand celui qui a fait « pis que pendre », est pardonné ! Est-ce juste ? Ce qu’il y a de pire, c’est que nous n’écoutons même-pas l’explication qui nous en est donnée, car nous sommes alors repliés sur nous-mêmes et fermés à tout amour. Cette parabole est aussi la parabole de la souffrance ! Qui, d’entre-nous, en entendant proclamer cet évangile n’a pas pensé à une étape douloureuse de sa vie ?

          Qui n’a pas eu un enfant qui s’est éloigné et qui ne donne plus de nouvelles, nous laissant dans le doute et le questionnement ? Malgré tout notre amour, nos prévenances, nos attitudes de pardon, nous nous sentons coupables, - nous qui avons été trahis -, comme si nous avions provoqué son départ. D’autres, tellement vexés et meurtris, ont fermé la porte à tout pardon, à toute réconciliation. Il faut aussi les comprendre, et seul le temps et la prière, peut vaincre un jour cette attitude de rancœur. Je pense aux parents, aux mères et pères de famille dont la vie est brisée par le départ d’un enfant. Que faire se disent-ils ? Pourquoi tant de haine, alors que je n’ai cessé d’aimer ?

          Mais si l’enfant revenait ? S’il revenait, serions-nous les bras serrés sur la poitrine, la tête haute, prêts à lui dire la phrase qui rabaisse et stigmatise son comportement ? Ou serions-nous dans une attitude de miséricorde et d’amour, comme celle du père de la parabole ? Je crois que nous aurions les deux attitudes, mais que celle de l’amour et de la miséricorde l’emporterait.

          Tous les trois ans, quand il nous est donné de méditer cette parabole de Luc, notre démarche de pardon prend tout son sens. Oui, car ce n’est pas une liste de péché que nous allons aller confesser, mais notre vie, à l’image de celle de cet enfant parti de chez son père et qui, dans le péché, voit enfin sa noirceur d’âme et revient pour le pardon. D’ailleurs comment est notre âme ? Bonne question me direz-vous ! « Car nous savons bien que notre péché, n’est pas seulement et exclusivement individuel ; il en résulte toujours une blessure au sein de la communion ecclésiale.

          C’est pour cela que nous irons confesser nos péchés. Nous devons déjà nous y préparer, et prendre du temps pour tenter une révision de vie, où la miséricorde du Seigneur aura toute sa place, mais nous le ferons en vérité. Nous le savons, il nous aime et nous invite à revenir vers lui. Comme l’enfant parti et revenu, faisons la même démarche.

          Nous verrons la Trinité, à la porte de notre cœur, joyeux et attentifs nous serons regardés de l’intérieur par l’amour du Père éternel, rejoints par le sourire de miséricorde du Fils, et touchés par la douceur de l’Esprit Saint. Nous étions comme morts par l’accumulation de nos péchés, nous voilà sauvés ; perdus par notre ingratitude et notre indifférence et désormais remis dans la vie éternelle avec Dieu.

          Lui qui est la plénitude et l’amour, qu’il nous réconcilie avec lui. Que Marie nous aide, sur ce chemin de conversion. Bonne fin de carême. Amen.                                                       Mgr Jean-Pierre Ellul

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