Le Père Ellul dit au revoir aux Amis de Saint-Victor

Publié le par Mgr Ellul

Le Père Ellul dit au revoir à l'Association les Amis de Saint-Victor.

Mercredi 6 septembre 2000 - 19 h.

               

Voici venu le temps de vous dire au-revoir. Laissez-moi vous remercier pour votre amitié et votre délicate attention, cette réception en est le signe tangible. Je suis certain que cet ordinateur portable, me rappellera, lorsque je le porterai et m'en servirai à la Paroisse du Sacré-Cœur, toute votre affection et l'amitié sans faille que vous m'avez témoigné durant ces 19 ans passés parmi vous.

Vous ne le savez peut-être pas, mais il y a déjà plus d'un an que le vicaire général m'avait prévenu de mon départ. C'était pour 2001… L'archevêque de Marseille en a décidé autrement… Vous êtes donc les premiers à inaugurer le cycle des discours de remerciements, pour rappeler que nous avons travaillé ensemble durant de longues années, unis et en communion les uns et les autres, unis par la musique mais surtout par l'amitié et par un travail de tous les instants, et la plupart d'entre vous, dans un bénévolat et un don de soi, qui est exemplaire. La présence du Chanoine, de Mgr Charles Seinturier, nous manque ce soir… Il est retourné dernièrement dans la lumière du Seigneur. Je suis sûr qu'en arrivant dans ce lieu de lumière, de béatitude et de paix, le Seigneur l'a pris par la main, et l'a fait asseoir dans son royaume tout près de  son autel, lui disant : "Viens, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Maître"… Mais avant la récompense finale, quel ne fut pas votre travail, un travail de tous les instants, pour qu'autour de cette table eucharistique, de l'autel de Saint-Victor, l'un des plus beaux d'Europe, dit-on… qu'il avait commandé à Me Jean Bernard, sans demander d'ailleurs un devis, ….. vous entriez, sans le savoir, dans ce qui deviendra pour Marseille, le Festival des Amis de Saint-Victor… avec un tel succès que cela deviendra presque une norme et beaucoup vous suivront, proposant des concerts dans les Eglises.

 

 

 

Je sais que certains ont pu reprocher ici ou là, dès le début… l'opportunité de telles ou telles œuvres ou de certains interprètes. Il faut un début à tout… et puis c'était la mode de l'époque… Il n'en reste pas moins que Saint-Victor était alors assiégés par ceux qui y venaient pour écouter et communier à la musique ; certainement prier, mais aussi pour y découvrir la riche histoire de ces moines victorins, enfin l'histoire de cette abbaye, grâce les fouilles archéologiques qui y étaient menées. C'est vrai qu'avant le Chanoine Seinturier, avant les Amis de Saint Victor, cette paroisse restait à découvrir… Je me demande souvent, comment malgré toutes ces excavations, la lenteur des travaux, cette poussière, ces désagréments… vous trouviez la force de toujours continuer. Il vous faudra animer la visite des cryptes et de l'abbatiale, reconstruire l'orgue, proposer le Festival, puis affecter les bénéfices de l'Association à la restauration intérieure de l'Abbaye : vitraux, chapelle du St Sacrement, puis ces dernières années, les vidéos, la cathèdre, etc.. 

 

 

Comme dans le temps de l'enfance, comme lorsqu'on apprend à marcher, les choses ne sont pas faciles. Les comités d'honneur, de parrainage, les lettres envoyées aux personnalités de Marseille, les dons reçus, s'ils purent régler quelques premières factures… ne furent rien sans l'attention constance de Suzy Fouchet et de Geneviève et Jean Deltort, d'Adrien et Maguy Blès… Et vous-même travaillait encore, ces années-là ! Oui il fallut votre travail acharné à l'une et à l'autre, chacune avec votre charisme, et alors que vous aviez une famille, pour arriver à maintenir le Festival… par passion et amour de la musique... désormais inséparables… pour aller de l'avent et sans fléchir continuer… Oui vous avez fait de Saint-Victor, le lieu musical par excellence, en lien avec la Municipalité de Marseille, la Chambre de Commerce, le Conseil Régional et le Département, sans oublier l'Opéra de Marseille, et nos nombreux sponsors, j'allais dire, nos amis, (je ne puis les citer tous, nous les connaissons), qui d'années en années nous sont restés toujours fidèles. Notre Abbaye de Saint Victor avait déjà une histoire multiséculaire ; elle devenait grâce à vous et à toute votre équipe, à "votre comité", car il ne faut pas oublier les bénévoles de ce temps là… et ceux d'aujourd'hui, et là encore je ne puis les citer tous… cet espace de liberté, qui comme un aimant, attire toujours les Marseillais et les mélomanes de notre pays. Le tout relayé bien sûr par la paroisse de Saint-Victor et chaque année depuis le 11e siècle par les fidèles venant nombreux célébrer les fêtes de la Chandeleur.

 

 

Il manquait la culture, le rayonnement, l'aura :  vous l'avez apportée, et ce ne fut pas comme pour d'autres manifestations musicales, une proposition momentanée… passagère, non ! Vous avez tenu, malgré les difficultés, malgré les critiques, et même de certains "vicaires", … malgré le peu de subventions, (elles sont toujours trop parcimonieuses)… et d'années en années vous vous êtes épurés, affinant vos propositions, nous offrant une qualité musicale, une programmation, donnant ce "style" propre au Festival… cette élévation de l'âme, avec ce je ne sais quoi d'impalpable mais tellement tangible, qui a permis que ce  Festival devienne un Festival International.

 

 

J'ai eu de la chance de vous rencontrer, une grande chance. J'ai apprécié, goûté, communié à la musique. Jamais je ne suis senti étranger, car accueilli dès les premiers jours… La musique fait partie de ma vie. Mes parents, mes grands-parents m'en avaient déjà donné quelques notions. C'est vrai que j'ai beaucoup découvert… Maessian, Poulenc, Jean Guillou… Quelques difficultés pour certaines œuvres contemporaines… Mais on ne peut pas tout aimer ! Que de noms et de visages de compositeurs, d'interprètes, d'artistes, je revois ce soir dans ma mémoire… Il fallait que je m'habitue… Il fallait saluer les artistes… Suzy Fouchet, puisqu'elle travaillait au presbytère… dès le début de mon ministère à Saint-Victor, me mit, comment dire, "le pied à l'étrier". Malgré ma jeunesse, elle ne cessa de me dire : "n'oubliez jamais que vous êtes le Curé de Saint-Victor !" Cela me fit d'abord sourire, puis je compris quel était l'impact que nous devions donner avec vous et avec les paroissiens, pour qu'ensemble Saint-Victor soit un lieu à la fois culturel et cultuel : « la vitrine de l'Eglise qui est à Marseille... » comme me le disait souvent le Cardinal Etchegaray… Tout cela sans oublier les membres actifs du comité des Amis de Saint-Victor, qui d'années en années, sous la chaleur ou au mistral, placent nos abonnés,  comptabilisent les entrées, reçoivent avec grande diplomatie les mélomanes et savent se faire le trait d'union, entre les organisatrices, les spectateurs, et  certains… pas contents de se trouver devant un pilier. Je dois dire que ce fut souvent mon cas, lorsque je venais, depuis La Bouilladisse participer à un concert, sans avoir eu le temps de retenir mes billets ou de prévenir le secrétariat du Père Seinturier.

 

 

Et puis tant de souvenir que je me dois d'évoquer ce soir, de visages connus, certains trop vite repartis vers le Seigneur… les artistes, les fidèles de nos soirées musicales, des heures d'Orgue et surtout nos amis de la presse. Toujours prévenants, d'une assiduité à toute épreuve. Je sais que, grâce à vous, il nous a été possible d'en garder tous les échos, certains sont d'ailleurs dans l'ouvrage de Marie-Hélène Deltort, édité par Jeanne Lafitte : "Les dames de Saint-Victor". Ces témoignages resteront pour les années futures comme autant d'écrins où prendront place, avec les élévations de l'âme… tout ce qui peut ne peut s'écrire, car il convient les vivres en communion de pensée et environnée de musique. Oui j'ai beaucoup reçu, d'autant que dès ma nomination, d'aucuns à l'archevêché, m'invitaient à surtout ne pas participer aux concerts des Amis de Saint-Victor, ce à quoi je répondis : "écoutez, je venais de loin pour y assister, je ne vais pas me priver de la joie d'y participer et de recevoir les mélomanes marseillais !"

 

 

Les années ont passé. Chaque Festival fut un enchantement… j'aillais dire une fierté… d'être là pour vous recevoir et découvrir avec vous les propositions de nos dames… Lorsque Suzy Fouchet à désiré cesser ses fonctions, après de longues années de travail paroissial avec le Chanoine Yssautier et j'allais dire archéologique, culturel et musical avec le chanoine Seinturier et moi-même, il nous a fallu tenir, et nous unir, pour continuer. Geneviève Deltort a bien voulu en accepter la présidence et je l'en remercie. Avec presque toute l'équipe elle a continué de proposer notre festival. Désormais Lydia Peaureaux nous a rejoint pour notre plus grande joie. Souvent je vous souriais, en vous entendant me dire dans la basilique, les jours de préparation : "si vous saviez le travail que cela me donne…". Mais oui, nous savons que c'est un très gros travail, car il faut tout coordonner, prévoir, prévenir, être attentive à tout, recevoir les artistes, puis le soir des concerts, asseoir tout le monde, surtout ceux qui arrivent à la dernière minute et qui n'étaient pas prévus, mais que l'on accueille comme s'ils étaient attendus. Et alors que étiez souvent souffrante, il y a quelques années, rien ne paraissait, et lorsque, micro en main, vous présentiez le concert, seuls ceux qui vous connaissaient vraiment, savait combien il fallait prendre sur soi pour que tout soit harmonieux. Vous avez eu… "l'audace"… de réduire le nombre des concerts, car rappelons-nous, il y avait la session d'automne puis celle du printemps avec le CPMC. Il fallait désormais proposer une seule saison.

 

 

J'ai essayé de compter, cela faisait plus de 12 à 15 concerts par ans, sans compter les concerts privés, nombreux en ce temps là. Savez-vous que nous sommes allés jusqu'à 32 prestations musicales, certaines années. J'ai dû ainsi participer à plus de 750 concerts, pendant mon mandat victorin. Et ce fut pour moi un grand bonheur.

 

 

Mon souhait…. (je le formule comme en une prière), c'est que tout puisse se continuer dans la joie, malgré la fatigue et le travail que cela suppose ! Ne fléchissez-pas, n'abondonnez pas… Et même lorsqu'il vous faudra passer le relais… soyez présentes… Qu'il y ait toujours cette entente, cette amitié entre vous, même si des discussions parfois, pour le choix de tel ou tel programme continuent de montrer que vous êtes passionnées. D'ailleurs, les premiers temps de ma nomination… je me permettais de venir frapper à la porte du bureau des Amis de Saint-Victor pour vous demander si tout allait bien, tant les échos sonores qui en parvenaient me semblaient comme autant de disputes –disputatio : "Mais non me disiez-vous, nous discutons de la programmation du prochain festival !"

 

 

Tout cela me manquera ! Sauf si j'essaie de vous faire concurrence à la Basilique du Sacré-Cœur ? A moins que vous vouliez accepter d’y venir et d'en prendre la responsabilité, en plus du Festival de Saint-Victor, s'entend… Car où trouver une équipe aussi soudée, aussi donnée au Seigneur et à la musique et à son Curé ? Où trouver autant de bonnes volontés et une assiduité sans faille auprès des abonnés, qui renouvellent leurs abonnements, avant même la conférence de presse annonçant la future saison ? Ici seulement, et à Saint-Victor ! Encore merci pour tout, et à vous tous et un chacun ; je voudrais vous dire toute l'estime que j'ai pour vous tous, ainsi que mes sentiments reconnaissants.

 

 

Chers amis, l'ordinateur est là ! En l'ouvrant, en y travaillant, en m'accompagnant dans mon ministère… il me redira votre affectueuse amitié. Je puis vous dire que ne vous oublie pas et prie pour vous… à toutes vos intentions. Quelques fois, le soir dans l'abbatiale, lorsque les souvenirs reviendront à votre mémoire, alors pensez à moi… Et maintenant, il est temps je crois de conclure. Passons donc au verre de l'amitié. Merci ! J-P Ellul

 

 

 

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