Toussaint 2012 - basilique du Sacré-Coeur

Publié le par Recteur de la Basilique du Sacré-Coeur de Marseil

 

Fête+du+S..

Jeudi 1er novembre

 Chers Frères et Sœurs,

Cette fête de tous les Saints, prend une coloration toute particulière en cette année de la Foi, surtout ici à Marseille où il y a maintenant… 292… ans Mgr de Belsunce consacrait la ville et le diocèse au Cœur sacré de Jésus.

La peste avec ses milliers de morts. Ceux qui étaient allés chercher de nuit leurs marchandises, pourtant en quarantaine, porteront une lourde responsabilité.

En ce jour, l’église nous convie à célébrer la sainteté de tous les élus de tous les temps et de toutes les époques, prions à ces nombreux prêtres qui se dévouèrent auprès des pestiférés, sachant qu’ils donnaient leurs vies pour que leurs paroissiens ne meurent pas sans sacrements.

Terrible époque avec ses heurs et ses malheurs, mais où put se vérifier la sainteté de tant de Marseillais.

Avec à leur tête Mgr de Belsunce. Imaginez ! Ce 1er novembre 1720 est un vendredi, et le premier vendredi du mois. Tout est prêt, sur le cours qui portera son nom, pour la célébration du saint sacrifice de la messe. Il s’est levé tôt, à regardé par la fenêtre. Le mistral souffle en tempête. Il est soucieux et pensif. Doit-il remettre la célébration ?  Non, Jésus le lui a demandé par l’intermédiaire de Sœur Anne-Madeleine Rémuzat. Elle a vu Jésus dans une se ses nombreuses visions. Qui lui a dit : «  Il faut que l’évêque consacre la ville et tous ses diocésains à mon cœur sacré ! » Le Père Milley se rend chez M. de Marseille, pour lui communiquer le message. Oui, il se rendra à l’appel du Seigneur. Oui, comme le fit St Charles Borromée en son temps à Milan, il se sacrifiera pour son peuple. Oui, il est prêt à faire amende honorable et d’ailleurs depuis plusieurs heures il ne dort plus, il repasse son texte de consécration. Tant de saints ont vécu à Marseille, depuis les origines de l’annonce de l’évangile. Tant d’hommes et de femmes parvenus à la sainteté à cause de Jésus, voulant marcher à sa suite, laissant tout pour être trouvés dignes de la grande épreuve. Oh oui, ils ont lavé leurs robes dans le sang de l’Agneau, ils se sont prosternés comme les anges pour adorer Dieu. Lazare leur a montré l’intrépidité. Cassien, le don de la méditation et de la prière ; Isarn, abbé de St Victor en l’an mil, le souci des pauvres et des plus petits, et tant d’autres encore, comme St Louis de Provence et le bon pape Urbain V. L’évêque pense également à l’un de ses prédécesseurs, Mgr Jean-Baptise Gault, saint évêque vivant dans la pauvreté totale. « Et moi, se dit-il, qu’ai-je fait pour subir un tel sort, comment éradiquer ce fléau ? Je combats déjà le Jansénisme, qui fait passer le mal chez mes diocésains, comme une nuit gelée de l’âme, que puis-je faire encore pour être humble et être appelé enfant de Dieu. Oui, je veux que lorsque le Fils de l’homme paraîtra, je sois pur comme lui-même est pur. Une seule solution, faire ce que Jésus m’a demandé de faire ».

Lorsque Goujon, son secrétaire entre, il le trouve encore en prière, pas vêtu, plongé dans une profonde méditation. Mais non, lui-dit il, pas de dentelles, pas de souliers, il ne revêtira que de simples ornements et surtout marchera pieds nus, une corde autour de son cou, tenant la croix entre ses bras, pour que du ciel, les élus puissent le voir essayer de vivre un instant les béatitudes que Jésus a dites sur la montagne.

Mais le mistral est fort, comment célébrer ainsi ? On a tout remis sur l’autel de nombreuses fois, mais le vent emporte tout. Le président Le Bret, chez qui il loge, vient d’arriver. Doit-on supprimer la messe de consécration de la ville ? Non, dit-il ! Allons-y !

On ne peut évidemment pas parler de miracle. Et pourtant ! Dès qu’il met un pied dehors et commence à marcher vers l’autel, le fort mistral cesse, immédiatement. La foule regarde, étonnée, son évêque s’avancer avec ce qui reste de son pauvre clergé. Combien en reste-t-il ? Il ne sait plus, car une chose est sûre, il marche à la rencontre de son Seigneur, humble et pénitent. Le peu de Marseillais qui ont pu se traîner jusque là, pleurent leurs défunts pas encore inhumés et restés là, sans sépultures. L’odeur pestilentielle est toujours présente malgré le mistral. De haut des marches, Mgr de Belsunce parle de  sainteté, de conversion, de repentir. On ne peut s’imaginer, de nos jours, la terreur de ses diocésains où dans les maisons, il mourrait combien de personnes le même jour, dans un délaissement et un dénuement total ? Il crie vers le ciel ; il ne voit pas le Seigneur, le Dieu de toute miséricorde étendant sa main pour que le fléau cesse ; il est bien trop occupé à dire son texte, sans faiblir, consacrant, pour toujours, son diocèse et sa chère ville de Marseille au Cœur de Jésus qu’il a tant prié.

Il ne voit pas non plus les couvents en prières, et au milieu de ces consacrés, la sœur Anne-Madeleine Rémuzat qui lui a inspiré cette démarche de foi et d’espérance. Marseille, premier diocèse, première ville à être consacrés totalement à ce Dieu, que l’on croyait être un Dieu vengeur, et qui se montre un Dieu de miséricorde, « qui abaisse enfin son courroux », comme on l’écrivait en ce siècle-là.

Les larmes coulent de ses yeux en pensant à ses prêtres et surtout à l’un de ses plus proches collaborateurs, l’abbé François Milley, infatigable prêtre de la mission, mort en septembre 1720 en donnant l’extrême-onction à des pestiférés.

Il se rappelle aussi la douce mémoire de François Malaval, le saint aveugle de Marseille à qui il doit tant, relisant souvent dans son cabinet de travail, son ouvrage sur « La pratique facile pour élever l’âme à la contemplation » et qui fut dénoncé à Rome comme quiétiste et censuré par Bossuet. Et pourtant, François Malaval, dans aucun de ses écrits, n’adressa à Dieu la moindre plainte et ne montra jamais la moindre tristesse au sujet son infirmité, car il était aveugle, répondant avec candeur, quand ont cherchait à le consoler : « Aveugle ? Je veux porter gaîment cette croix, … jusqu’à la mort, … puisque le ciel l’a ainsi réglé ! », et il la porta durant 92 ans, jusqu’au 15 mai 1719. Il nous faudra retrouver un jour la mémoire de ce saint aveugle de Marseille, qui nous donna, en composant le calendrier liturgique, la vie des témoins de la foi de notre diocèse.

Voyez, Mgr de Belsunce qui s’apprête à donner la bénédiction ? Quel sera l’avenir ? Il n’y pense même pas, car il faut parer au plus pressé : obtenir définitivement la cessation de la peste, ce qui se fera l’année suivante lorsque les Echevins promettront de se rendre chaque année au Monastère de la Visitation des Grandes Maries, pour participer à la messe votive et offrir un cierge, geste qui se perpétue désormais dans notre basilique.

Les Saints de Marseille ! Oui, ils sont là, tout près de nous, et ils nous font signe, nous demandant de relever la tête, d’être fidèles et intrépides, de nous fortifier dans la foi, de l’approfondir, et surtout de rester des témoins du Christ ressuscité.

Si nous pouvions découvrir la grande sainteté des chrétiens de Marseille, durant tous ces siècles, de tous ces témoins de la foi, et de ceux que l’on ne connaît pas encore… mais qui s’inscrivent dès aujourd’hui, dans cette démarche de sanctification, mais nous en serions émerveillés !

Marseille, malheureusement si souvent décriée et rabaissée, est pourtant une belle ville. Avec la mer, les calanques, ses créations artistiques et culturelles et… l’OM, la ville qui bruisse de mille bruits, et tant de chrétiens engagés, avec des hommes et des femmes de bonne volonté, suscitant solidarité et aide, pour que l’autre ne soit pas seul… il reste à découvrir, comme une belle source, qui sourde sous les pierres, l’âme, la vie donnée et le témoignage de tant de saints et de saintes.

C’est eux qui ont fait Marseille, c’est vers eux, que nous nous tournons en cette fête, pour leur mendier un peu de leur force, de leur persévérance et de leur amour.

Oh oui, avec eux, saints connus ou moins connus, réjouissons-nous et soyons dans l’allégresse, car avec ceux de nos familles, que nous avons connus et aimés, et qui sont retournés dans la paix du royaume, nous pouvons nous réjouir car, je l’espère, notre récompense sera grande dans les cieux.

Chers Frères et Sœurs, bonne fête de Toussaint en cette année de la foi ! Et que Marie, Notre-Dame de la Garde, nous tienne unis les uns aux autres et nous porte tous dans ses bras avec Jésus son Fils. Amen.

 

 

 

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